mercredi 4 septembre 2013

Les autres

« L'enfer, c'est les autres », nous dit Sartre. Pour ma part, je vois là plus une note d'humour espiègle qu'une véritable réflexion sur la vie et les problèmes relationnels humains. Non, les autres ne sont pas l'enfer. Ils ne représentent pas un danger. Et je suis convaincu que, la plupart des actions, même si celles-ci blessent, sont provoquées par un sentiment louable. Je m'explique :
Un voleur vole (parfois) parce qu'il doit nourrir sa famille. Un enfant s'interpose entre ses deux parents qui se disputent parce qu'il veut les aider. Vous voyez ?
Attention, je ne dis pas que de telles actions sont louables. Non, elles ne le sont certes pas. Mais comprendre pourquoi elles ont été faites est utile, et permet de résoudre des conflits, d'améliorer la paix sociale, etc.
Cependant, il y a au moins deux limites à cela (sans quoi j'aurais dit : "toute action part d'un sentiment louable")  :
-La première, c'est lorsque l'action est répétée alors que le besoin ne s'en fait plus sentir. Pour reprendre les exemples ci-dessus : un voleur a découvert qu'il était plus facile de voler que de travailler, et vit de ses vols (par exemple, ça peut être pour d'autres raisons qu'il continue) ; un enfant ayant pris l'habitude de donner son avis dans les conflits parentaux le fait alors-même qu'il n'y a pas lieu de les aider, donnant simplement son avis abusivement. Dans de tels cas, le sentiment louable à l'origine de ces actions discutables a disparu. C'est également ce qui se produit lorsque quelqu'un dit : "Habillé(e) ainsi, tu risques de te faire violer" (je vous concède que cette réplique est rare au masculin, mais qui sait ?). Je pense très sincèrement qu'à la base, ce genre de réflexion est basé sur une peur (pas forcément justifiée) et donc une envie de protéger (je pense, ou j'ai envie de penser que, la première personne a dû dire quelque chose comme "fais attention à toi, je t'en prie". Je ne cautionne pas, attention.) L'ennui, c'est qu'un tel comportement est souvent communicatif, et on en arrive à de tristes abus (ça c'est transformé en "tu l'auras mérité", et c'est gratuitement méchant), tels qu'on peut les constater avec cette phrase abusive (et lourdement critiquée, à raison, je trouve, par la gent féminine (et parfois masculine, si, si, la preuve)).
-La seconde, c'est l'ensemble des actions ou pathologiques (pleinement excusables dans le cas où la personne qui a commis le crime n'était réellement pas en possession de ses moyens mentaux, partiellement dans les autres), ou de pure méchanceté, sadisme, etc. Dans le premier cas, nous avons, par exemple, certains violeurs (cela se discute), dans le second, les assassins/meurtriers et les hommes qui commettent des actes de torture. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas envie de parler de leur excusabilité ou non : ce n'est pas le sujet.
Je veux simplement dire que ces choses existent, et qu'elles sont fondamentalement différentes d'un vol, lorsqu'il a été commis par nécessité absolue.  Pour moi, la dichotomie est claire. Ce que je cherche à montrer (et je m'en suis un peu éloigné en parlant des pathologies, mais dans le souci de tendre vers l'exhaustivité, j'y étais obligé), c'est que la plupart des actions qui sont vécues comme intrusives, méchantes, insultantes, blessantes, ou que sais-je encore, peuvent-être expliquées. De là s'offrent à nous deux solutions. Ou nous décidons de considérer la cause de l'action (que nous qualifierons de) "nuisible" comme étant "acceptable", ou nous préférons supprimer cette cause. Dans le cas d'un enfant qui intervient dans le conflit entre ses parents, il veut aider, il a peur car il voit que ses parents (qui pour lui sont censés incarner le couple parfait) ont des difficultés relationnelles. On peut alors le remercier d'avoir voulu aider, et lui dire, dès la toute première intervention, et avec toute la tendresse d'un parent, que ce n'est pas son travail, que papa et maman crient, mais que bientôt, le problème sera résolu une fois que chacun aura compris quelle souffrance provoque la colère et/ou les cris de l'autre (bon, on n'est pas obligé d'expliquer tout ça en ces mots, mais ce n'est pas plus mal, et un enfant de quatre ans comprend déjà plein de choses). Dans le cas d'un voleur, réduire les inégalités sociales, en donnant à ceux qui sont dans le besoin les moyens de se nourrir, se vêtir et se loger dignement (cet adverbe est distributif et concerne tous les verbes de l'énumération), peut se révéler être un moyen efficace sinon radical de supprimer la cause (au moins la cause première) de certains vols vols. Cependant, la cause d'une action "nuisible" n'est pas toujours "louable" (cela dépend de la réalité que recouvre ce mot). (Quelle transition, mes amis, j'en aurais rêvé pour une dissertation...)

En effet, je vois une autre origine à ce type d'actes. La souffrance. Souvent, ce que l'on regroupe sous le terme vague de "mal" est provoqué par une douleur. Cette dernière peut réellement être dévastatrice, et je pense que certaines personnes sont complètement transformées après une dure épreuve, une épreuve déchirante. Ce qui les pousse parfois, dans cette brume aveuglante que peut provoquer le tourment, à faire souffrir les autres. Pour diverses raisons (se venger, leur faire comprendre combien un poids est lourd à porter, pour décharger sa douleur, etc.). Encore une fois, je ne veux pas parler de leur excusabilité ou non. Le fait est que, incontestablement, les autres ont une raison quand ils vous font souffrir. Et nous-mêmes, pour diverses raisons, pouvons parfois faire souffrir les autres également. Pensons-y.

Et si les gens font souffrir d'autres gens, ça instaure tout un climat de violence (au moins verbale), de méfiance, etc. Et pour changer ce climat, il faut changer les gens. Sauf que changer les autres, ce n'est pas si simple...
Ce que mon vague rapport avec la philosophie bouddhiste m'a appris, c'est qu'on ne peut pas changer l'autre. On ne peut que se changer soi-même. Ensuite, on se comporte de manière à influencer l'ambiance autour de nous, et à inciter ensuite les gens à changer eux-mêmes. Je vous laisse imaginer ce que ça pourrait donner pour la tolérance, l'écologie... (j'en reparlerai sans doute) En fait, je pense qu'avec de la haine ou de la rage, on ne peut pas réussir à changer le monde (mais c'est discutable, parce que ça donne aussi de l'énergie) (Decay, tu n'es pas visée non plus, à vrai dire, ce raisonnement, je l'ai depuis plusieurs mois). Parce qu'on est agressif et que les autres répondent souvent à l'agression par l'agression . Et que, comme disait Stéphane Hessel, auteur du livre Indignez-vous, il est plus efficace de se battre pour que de lutter contre.
Après, l'ambiance que l'on crée autour de nous est plus ou moins efficace en fonction de la relation qu'on a avec les autres (amants, amis, inconnus). Mais l'avantage est que cette manière d'agir laisse le libre arbitre à tout le monde. On peut exposer les faits, argumenter, se comporter de manière à montrer que notre conviction est "la bonne" (ou du moins, qu'elle comporte un certain nombre d'avantages), et les autres se laissent convaincre ou non. On les laisse libres.

Parce que les autres ont une vie. Parce que les autres ont un cerveau, et que même s'ils ne pensent pas comme nous, ils ont leurs raisons (bonnes ou mauvaises, c'est subjectif), et qu'il faut les respecter (les raisons comme les êtres humains, mais évidemment, plus les êtres humains). Parce que les autres ne sont ni foncièrement méchants, ni totalement immuables. Parce que les autres, pour nous, ce n'est pas l'enfer. Non, les autres, c'est un paradis de diversité.

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