jeudi 7 mai 2015

Idées scientifiques dans l'Antiquité (Aristote vs Démocrite)

On entend souvent dire que les penseurs antiques étaient vraiment pas très intelligents. Mais que ce n'est pas grave, pour leur époque ! Oui, après tout, en ce temps, on croyait que la Terre était plate.

Donc à chaque fois que je parle d'Aristote (384 à 322 av. J.C.), j'évoque sa pseudo-preuve selon laquelle la Terre ne tournerait pas, sans quoi les objets ne tomberaient pas à la verticale du lieu d'où ils ont été lâchés, mais se déplaceraient à l'opposé du sens de rotation de la Terre. Comme ils tombent à la verticale, la Terre est immobile (et plate, ça se voit, hein). J'évoque aussi sa pensée qui dit qu'un objet flotte parce que sa surface ne peut pas percer l'eau. Et je commente : Aristote aurait quand même pu faire un effort.

Et ça ne manque jamais : "Oui mais il ne pouvait pas savoir, c'était l'Antiquité, ils en savaient moins que maintenant". Certes. Certes. Mais, euh, laissez-moi vous montrer deux choses :
Giordano Bruno, au XVIe siècle, a lancé un objet depuis le mât d'un navire en mouvement. Et il est tombé exactement à la verticale de là d'où il a été lancé. Parce que Giordano Bruno, dans le bateau, se déplace à la vitesse du bateau, et quand il lâche la balle, elle est attirée par le sol, mais elle continue d'avancer, puisqu'elle a encore la vitesse du bateau.
Dans La Vie de Galilée, Bertolt Brecht présente le personnage de Galilée qui prend une bassine, fait flotter un bloc de glace dessus, lit à haute voix la théorie aristotélicienne et propose de vérifier. Il plonge donc de force le bloc de glace sous l'eau (il n'a donc pas fendu l'eau "par lui-même", dirons-nous pour ne pas trop faire de tort à Aristote). Puis lorsque l'eau redevient plate, il lâche le bloc de glace, qui remonte, et... et... et fend l'eau, oui, tout à fait ! Sa surface lui a permis de fendre l'eau. Hmm. C'est fou, ça.
Concrètement, Aristote aurait pu faire ces expériences et se rendre compte que non, on ne dit pas des énormités sous prétexte qu'on est un philosophe reconnu.

Ensuite, je parle toujours de Démocrite (460 à 370 av. J.C.). Démocrite fait quelque chose d'intelligent. Il prend conscience que le monde est constitué de particules, parce qu'il remarque la poussière dans l'air à travers un rayon lumineux, et parce qu'il remarque que les choses se cassent, mais qu'il est impossible qu'elles se cassent indéfiniment. Les idées, donc, de particules et même de quanta, dans leurs concepts très généraux, très inadéquats et éloignés de la précision actuelle de la science, j'en conviens, ont tout de même été pensées pendant l'Antiquité grecque. Démocrite a même été contemporain d'Aristote, et a pensé avant lui. Alors non, je suis désolé, des gens ont des idées pertinentes dès l'Antiquité. Et ne pas faire d'expériences pour vérifier que ce qu'on dit est vrai, c'est non seulement peu rigoureux, mais on pourrait presque le dire condamnable (crime contre la vérité ?) au vu des conséquences profondes que la philosophie aristotélicienne a eu sur la pensée du Moyen Âge.

J'en conviens, Démocrite n'a pas pu faire d'expérience pour vérifier ce qu'il avançait, mais il a tout de même établi une vérité jusqu'à un certain point : le monde macroscopique est constitué de particules. Ensuite, considérant philosophiquement qu'il était inacceptable de laisser une régression à l'infini dans son système de pensée, il en a déduit qu'il devait exister des particules insécables, des atomes (et qu'on réfute Démocrite parce que les atomes ne sont pas des atomes est clairement injustifié : les véritables atomes sont les particules réellement insécables, et il faudrait plutôt aller chercher du côté des photons ou des quarks par exemple). Donc, son raisonnement est plutôt rigoureux. Contrairement à celui d'Aristote.

Tout ce que je voulais montrer, c'est qu'il était possible, à l'époque, de mener des expériences pour vérifier ses propos, simplement, certains ne le faisaient pas, et c'était là l'erreur. Mais, alors, toute justification fondée par "c'est l'Antiquité, ils étaient un peu débiles, tu sais" (caricature), est à la fois hautaine, inacceptable, biaisée et même fausse.

Ils étaient aussi intelligents que nous. Ils n'avaient simplement pas d'aussi grands géants sur les épaules desquels s'asseoir.

4 commentaires:

  1. J'adore l'image des géants à la fin.
    Et ton article m'a fait rire.
    Et je poste encore un commentaire de débile sur ton blog (mais en vrai, je suis d'accord, Galilée le montre assez bien, en faisant des expériences même avec peu de moyens techniques on peut établir des théories scientifiques un peu moins aberrantes que celles d'Aristote).

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    1. Oh merci ^^ Mais c'est pas de moi, plutôt d'Einstein il me semble : "Nous sommes des nains sur les épaules de géants."
      Oh rire =D
      C'est pas un commentaire débile. Je te remercie infiniment <3
      (Oui ^^ Enfin, c'est le Galilée de Brecht (<3) mais oui)

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    2. (non mais le Galilée dans l'absolu. Mon prof de philo nous avait montré un documentaire sur Galilée)

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    3. Nous on a eu une conf' sur lui. En fait, il était intelligent (genre, vraiment), mais, je crois qu'on a tendance à en faire beaucoup trop à son propos...

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