dimanche 1 février 2015

Pensée et Sentiment réconciliés

Le monde m'a longtemps semblé séparé en deux parties antagonistes, l'une émotive, l'autre rationnelle. L'analyse donnée par le MBTI (Myers-Briggs Type Indicator), qui relève que les gens ont une tendance à considérer le monde soit selon leurs sentiments (ces personnes sont nommées "F" pour Feeling), soit selon leurs réflexions ("T", Thinking), étayait d'ailleurs cette théorie. Comme de nombreux débats qui durent depuis des siècles et que l'on peut notamment constater dans la littérature, surtout dans les histoires d'amour. Regardez donc Racine et sa Bérénice.

Ma tendance à tout analyser, étudier, comprendre, ranger dans des systèmes cohérents fait de moi ce qu'on appelle un T. Et en tant que tel, j'avais souvent une joie immense à créer des théories complexes qui expliquaient le monde (raison pour laquelle, aussi, j'ai choisi la voie de la physique). Mais parfois, je me heurte tout de même à des gens qui reconnaissent la logique de mon raisonnement mais le trouvent absurde, ou ne s'en satisfont pas. Et généralement, ces gens sont F, ils se basent sur leurs émotions pour agir et penser. Donc c'est là une source de frustration intense pour moi. Car, si j'ai des émotions, je ne sais pas les gérer, et j'en ai peur, aussi, je ne saurais baser le moindre choix sur elles (quoique certains m'échappent), et je ne pourrai donc, d'après cela, jamais prendre en compte la moitié de la population mondiale dans mes considérations. C'est la chose la plus horrible à réaliser pour moi.

Mais heureusement, je suis arrivé à trouver un dépassement. Non pas pour tout rationaliser à une échelle encore supérieure et plus efficace, mais pour prendre en compte l'émotion en considération. Pour compléter mes questions et mes réponses. Il s'agit d'un outil développé par un philosophe occidental du XVIIe siècle.

L'Intérêt Bien Compris de Spinoza. Voilà la réponse. Agir dans son intérêt bien compris, c'est suivre son Désir et les différents sentiments qui vont avec, à chaque fois que la raison a examiné toutes les données, externes et internes, qui rendent ce choix réellement bon pour soi. Ici, bon a donc le sens de désirable (ce qui est un caractère émotif), mais le bon est également ce qui augmente factuellement la puissance d'agir (une idée gérée par la raison).

(Je maintiens donc que Titus avait un moyen de résoudre son dilemme. Il n'y a en réalité pas de problème. L'opposition est factice.)

Avec cela, plus de raison que le conflit entre émotion et raison demeure. Qui suit en tout instant son intérêt bien compris, celui-là a réconcilié ses deux facettes qu'on disait à tort, trop souvent et depuis trop longtemps, antagonistes. Celui-là devient un humain plus complet et plus à même de vivre et de comprendre le monde, de l'analyser et de le ressentir.

19 commentaires:

  1. Plus j'y réfléchis plus ça me perturbe, l'antagonisme entre émotion et raison. Parce que je n'arrive pas à voir le caractère irrationnel de l'émotion.

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    1. Moi je le vois, mais peut-être parce que je ne vois pas le caractère rationnel de l'émotion ^^ (et c'est chose probable...)
      Savoir écouter les deux. Que l'un et l'autre disent la même chose, si on le prend suffisamment en compte. J'imagine que là est la clé ^^

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    2. Je sais pas, ça me semble tout simplement être une réponse logique. Il se passe un événement effrayant, on a peur. Il se passe quelque chose de triste, on est triste. C'est comme avoir froid quand la température baisse, je sais pas, c'est normal ^^. Bien que parfois subjectif. Mais subjectif ne veut pas dire irrationnel.
      Savoir écouter, et surtout s'écouter, tout court, en fait...Tu as raison, là est la clef ^^

      (tavu je te commente)(soit joyeux)

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    3. Oui. C'est une réponse tout à fait logique, ou au moins déterminée. Je devrais prendre ça en compte quand je réfléchis. Merci de mettre ce point en lumière avec autant de clarté et de simplicité ^^
      Subjectif ne veut pas dire irrationnel, mais incompatible avec la science, les vérités universelles, et donc a fortiori la morale, la conduite à adopter dans une certaine situation, etc. (dans ma tête étrange, c'est en tout cas comme ça que ça se passe.)
      Je crois qu'on se pense bien trop souvent comme externes à nos propres corps, comme des âmes détachées du monde tangible, et ça nous nuit. De ce point de vue, Spinoza est extrêmement pertinent, et j'avais beau l'avoir lu, j'ai du mal à l'intégrer. (Et on dira ce qu'on veut, mais Nietzsche a une philosophie bien moins pertinente que Spinoza sur ce point aussi : lorsqu'il dit "j'assiste à l'éclosion de ma pensée", il omet, je crois, que le "moi", quelle que soit sa structure psychologique réelle, est intimement lié au corps, auquel sont liées les pensées elles-mêmes. Ce qui se passe dans le corps et dans l'esprit, c'est souvent un peu la même chose, mais vu sous un angle différent.)

      (J'ai vu, oui <3) (Je ne suis que joie <3 Merci :D)

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    4. Hanwi je suis logique ^^
      Hmm...Bon après en bonne INFP que je suis pour moi l'objectivité ça n'existe que dans la science, et encore, donc je n'arrive pas à voir comment la morale peut ne pas être subjective puisqu'elle s'applique à des choses subjectives (genre, les humains).
      C'est vrai qu'on tend à se détacher du corps. Du coup est-ce que ça nous fait nous détacher du réel ? (je me questionne pour de vrai, tu as le droit de trouver ça bête ou de pas répondre). Pourquoi Spinoza est extrêmement pertinent ?

      (owi soit joie <3)

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    5. Par définition, la morale se veut universelle, surtout chez Kant avec l'impératif catégorique. D'où la proposition spinoziste d'une éthique individuelle intelligente. Cela dit, l'objectivité, on peut en dire beaucoup de choses : on peut réfuter sa présence dans la science mais l'accepter dans l'absolu, ou en métaphysique ; ou on peut même la redéfinir comme "la subjectivité du point de vue de toute l'humanité". Qu'on dise que l'objectivité est un problème strictement scientifique me dérange, donc j'y ai déjà réfléchi, et je pense que non.
      Du réel actuel de notre corps, oui. De son réel passé et futur, pas nécessairement (manger à chaque repas, entretenir son image, regarder ses cicatrices, etc.). Du réel autre que le corps, je ne pense pas que ce soit lié, en effet, oublier son corps, ce peut être pour se concentrer sur le réel lui-même.
      Spinoza explique que nous ne sommes pas "un empire dans un empire" : nous n'avons pas tant de contrôle sur nous-même que cela, et surtout, comme certaines parts de nous nous échappent, il faut être à l'écoute de celles-ci et trouver le moyen de les amplifier si on les trouve bonnes, de les réprimer si on les trouve mauvaises, etc. Chez Spinoza, nous sommes mus par un "conatus", i.e. "l'effort à persévérer dans son être". En fait, c'est assez assimilable à la pulsion de vie freudienne (la psychologie, au moins freudienne, s'appuie beaucoup sur Spinoza, qui en est un précurseur notoire), c'est cette sorte d'énergie, de pulsion, d'effort (c'est le seul terme véritablement adéquat, et encore), qui nous pousse à survivre, vivre et faire vivre (puisque nous sommes vivants), à rester humains puisque nous le sommes, etc. Sauf que ce conatus n'est pas toujours réellement bon (exemple : pulsion qui pousse à faire vivre : les relations sexuelles. Or, non protégées, c'est potentiellement très dangereux, donc pas dans l'intérêt bien compris). Du coup, mêler conatus (= Désir) à la rationalité permet d'orienter ce Désir pour en faire quelque chose qui t'aide actuellement à la survie. Et c'est en cela, aussi, que Nietzsche ne peut pas dépasser Spinoza s'il rejette la raison, puisque c'est celle-ci qui permet de mieux vivre (bien que ce ne soit pas le but de Nietzsche). Je suis clair ou pas ? ^^'

      (*sois :chiant:) (<3)

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  2. Pardon, mais "Corneille et sa Bérénice"? Est-ce que tu voulais dire Racine, ou est-ce que je dois revoir mes classiques?

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    1. Non, c'est tout à fait exact, c'est moi qui étais tout à fait ou discret, ou fatigué. Toutes mes excuses...

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    2. En réalité, je pensais au dilemme cornélien entre Devoir et Amour, et l'exemple qui m'est venu, c'est Titus avec Bérénice... Ceci expliquant cela.

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    3. (juste par hasard, tu voulais pas dire distrait et non discret ?)(*chieuse*)

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    4. Distrait, si... Preuve que j'étais fatigué, et non distrait, euh discret, non l'inverse. Bref.

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  3. Je ne comprends pas en quoi rationalité et émotivité sont antagonistes, l'une sert l'autre. Je sais qu'en général on aime bien mettre les gens dans des catégories, mais de là à les classer en T/F, je trouves ça quand même assez gros, ou du moins ça renforce l'idée qu'on ne peux pas allier les deux. Il y a même une tendance générale qui pousse à penser que la "scientificité'' est supérieure. On peut avoir une ''tendance à analyser, étudier, comprendre" tout en passant pour un F, c'est l'émotivité qui sous-tend l'intuition, qui motive, qui permet de développer une certaine empathie qui (à mon sens) est indispensable pour comprendre certains processus humains (en psychologie et en philosophie notamment). Les plus grands génies étaient également des artistes. Le premier exemple qui me vient à l'esprit est celui de Baudelaire, il avait beau être un artiste torturé, un F, mais à sa manière, il s'est constitué une ''philosophie'' qui à mon sens est assez solide, même si sa ''démarche de compréhension'' n'a pas été purement scientifique. Ça rejoint un peu ton dépassement je crois: on ne peut atteindre un degré élevé de compréhension qu'en associant émotions et rationalité mais j'irais jusqu'à dire que l'émotion est plus qu'un simple ''moyen'' qui s'ajoute à la raison, qu'elle en est un mode. Elle ne vaut rien sans la rationalité et la prise de recul qu'elle implique, mais l'inverse est tout aussi vraie, et l'objectivité pure n'existe pas.

    Je suis désolée si je me suis répétée ou si j'ai mal compris une partie de ton article, j'avoue avoir un peu tout lu en diagonale. En tout cas et pour ce que ça vaut, je l'ai trouvé vraiment intéressant. Merci.

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    1. Je suis d'accord avec l'entièreté de ton commentaire, merci à toi de mettre les choses en lumière sous cet angle, cela me donne un autre regard, et que j'apprécie.

      En fait, dire que l'émotion est un mode de la raison, cela fait fleurir de nombreuses idées dans ma tête. Cela dit, je ne suis pas sûr que les émotions et la raison s'appliquent aux mêmes choses. D'un point de vue évolutif, il me paraît probable que la raison soit une capacité d'analyse du monde extérieur non-humain, non-proche, qui permet de l'expliquer, le rendre connu et de mieux pouvoir répondre aux besoins ; d'un autre côté, les émotions m'apparaissent comme un moyen de répondre au monde extérieur humain et proche (affectivement, j'entends), de l'analyser, d'y réagir, de faire en sorte qu'il soit le meilleur possible pour soi. Donc on aurait des processus identiques en nature mais dont le domaine d'application diffère...

      Pour ajouter à ta synthèse concernant Baudelaire et le fait qu'il ait mêlé, dans son génie, une forme de rationalité et une forme d'émotivité, on pourrait s'appuyer sur le fait que ce qui a permis à Einstein de réfuter la théorie de l'éther pour inventer la relativité, c'est un sentiment esthétique de symétrie. De toute façon, en sciences, on a un rapport privilégié avec les objets qu'on manipule, et en arts, on s'impose des règles rationnelles.

      Dire que l'objectivité pure n'existe pas, par contre, me titille. Encore davantage en tant que conclusion de tes propos. Je préférerais dire qu'elle est en première approche inaccessible, et réfléchir ensuite à des approches secondaires dans lesquelles on peut l'atteindre (sans quoi, on renonce à la science, il me semble...).

      Je ne crois pas que tu m'aies mal lu ni mal compris, et je suis heureux de t'avoir intéressée ! De rien, donc : c'est pour cela que j'écris.

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    2. Je suis d'accord avec la majorité de tes propos, et j'ai peut-être tort en disant que l’objectivité pure n'existe pas. Par contre, je ne pense pas que si c'était le cas ça enlèverais à la science sa raison d'être. L'Homme a besoin de sens, il a besoin de comprendre le monde qui l'entoure et c'est pour cela qu'il tend vers la Vérité. J'aimerais transposer cette idée de la science à la philosophie en générale : La philosophie n'apporte pas de réponses, elle procède pas questionnements, remet souvent en cause ses fondements, redéfinis ses concepts... elle est recherche de la Vérité, je ne pense pas qu'elle pourra un jour l'atteindre. Elle n'en est pas moins une discipline rationnelle et utile, qui enrichit effectivement l’expérience et la connaissance que l'on a du Monde. On peut penser que la science ne répondra jamais à toutes nos questions, que ce soit parce que le surnaturel existe (personnellement, je n'y crois pas) ou simplement parce que le potentiel de l'Homme est limité à l'échelle de l'univers. Il n'en est pas moins vrai que l'on comprend mieux le monde grâce à la science.

      J'ai lu ton dernier article, j'avoue qu'il m'a fait réfléchir (si je poste ce commentaire ici c'est pour rester dans une certaine continuité). Ce que je cherche surtout à critiquer c'est cette idée que si l'on pense la Vérité inatteignable on arrête de la chercher.

      En disant que l’objectivité pure n'existe pas je ne mets pas sur le même pied d'égalité toutes les affirmations des hommes, je ne dis pas non plus qu'en partant de cela la recherche d'une vérité objective est critiquable. Ce serait de la paresse intellectuelle, j'espère ne jamais tomber dans cet écueil. On peut considérer la science comme n’étant pas toute puissante et l'univers comme étant rationnel mais pas entièrement explicable par l'Homme et se fier quand même à la science dans un tas de domaines.

      Le doute cartésien n'est pas pratiquement applicable et peut même sembler absurde mais il part d'un principe qui me semble vrai: Nos sens nous trompent, nous sommes tous plus ou moins conditionnés par une multitude de facteurs, l'Homme est limité. Si l'objectivité absolue existe, et je veux bien le croire comme je crois à La Vérité, je ne peux pas croire qu'elle soit humainement atteignable à cause justement de toutes ces ''failles'' humaines, même si elles n'ont qu'une influence infime. Et il revient à chacun en tant qu'individu de choisir de se servir de ce doute sous-jacent pour trouver un réconfort temporaire face à une absence de réponse ou au contraire provoquer une réflexion toujours plus critique et active en se servant justement de la science comme moyen.

      Finalement, et cela peut sembler contradictoire, mais je te rejoins quasi-parfaitement dans l'axe IV de ton article "L'objectivité ça n'existe pas'' à la différence que si je crois qu' "il y a une vérité universelle et un point de vue objectif absolu'', je pense que celui-ci ne peut être accessible que partiellement, et par la science qui n'est en rien dénigrée par cela (à mon avis). (Au final, tu as quand même réussi à me faire changer d'avis sur l'inexistence d'une objectivité pure)
      Peut-être que mon point de vue subjectif vient tout simplement du fait que j'ai moins foi en l'Homme et en ce qu'il peut accomplir que d'autres.
      Finalement, je veux bien dire que la science est le moyen le plus sûr (voir le seul) pour s'approcher de la Vérité objective, mais je crois que nous, en tant qu'Hommes, ne pouvons l'approcher qu' ''asymptotiquement''.

      (re-Anonyme)

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    3. Je suis désolé pour ce manque de réactivité flagrant, j'ai eu une période, disons, très difficile. Vraiment désolé...

      Ce que je voulais dire quand je disais que, l'objectivité retirée, la science en perdait sa raison d'être, c'est qu'il me semblait, et il me semble toujours, que sans objectivité, il est impossible d'appliquer la méthode scientifique, puisque la Vérité pourrait être multiple, inconstante, hétéroclite, à cause de son caractère subjectif. (Mais dès que l'on imagine qu'il y a un caractère commun à toute subjectivité, on retrouve l'objectivité ; s'il n'en existe pas, alors la science ne sert pas à grand-chose, à part à déterminer des choses qu'elle devra sans cesse remettre en question, ce qu'elle fait déjà, mais à une échelle plus grande encore...)

      Je suis d'accord à propos de la philosophie. Je tends d'ailleurs (comme Spinoza par exemple) à la rendre plus rigoureuse, à l'encadrer par une méthode, à utiliser plus souvent de la véritable logique (logique aristotélicienne, intuitionniste, sémantique générale, etc.), en un mot, à la faire communiquer bien davantage avec le monde des sciences.

      Je comprends mieux ce que tu veux dire. Cela dit, si nous savons avec une certitude absolue que la Vérité est inatteignable, la chercherons-nous ? On peut alors avancer, effectivement, l'argument asymptotique et se contenter d'un rapprochement toujours meilleur. Dans les faits, c'est effectivement ce qui se passe, notamment en physique (sens large) : un modèle est dit, par définition, toujours inexact, simplement, on s'efforce de l'améliorer toujours. Et on se place dans certains systèmes d'approximations en se disant qu'une certaine précision nous suffit pour le moment. Ce que je cherchais, pour ma part, à dire, est ce que j'ai expliqué plus haut, à savoir qu'une Vérité multiple et diffuse découragerait la science en ruinant sa méthode.

      Bien entendu, je ne disais pas que tu étais tombée dans cet écueil, je m'en étais simplement servi comme tremplin, il me fallait critiquer cette idée que j'entends trop souvent, sans que je présume à aucun moment que tu l'avais pensée. D'ailleurs, à propos de la Vérité inatteignable, j'ai récemment lu Le Mythe de Sisyphe, et cela rejoint plutôt la pensée de Camus, effectivement : l'absurde, ce serait être pleinement conscient des limites de la raison et de la science, mais aussi de leurs forces, et de l'absence de sens, etc., en fait l'absurde est un état de conscience exaltée tout court ; mais je m'éloigne du sujet.

      Le doute cartésien, pour l'avoir vécu, est applicable. D'ailleurs, si je m'en servais, c'était simplement pour affirmer qu'il y a quelque chose d'inatteignable dans la Vérité, au moins au sens logique et sensoriel du terme, ce que tu dis, finalement. Bien entendu, la démarche n'est plus constructive au-delà d'un certain point, mais elle reste, comme tu le dis, une force. Sur le point du réconfort, toutefois, je vais de nouveau parler de Camus (sans être forcément d'accord avec lui, je ne le connais pas encore suffisamment) : pour lui, agir en vue d'un réconfort, chercher l'espoir dans la démarche de pensée, c'est commettre un suicide philosophique, c'est détruire l'état de conscience absurde. Il faut cependant que j'y réfléchisse davantage, et cette discussion me donne des arguments neufs et fort pertinents ; merci donc !

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    4. En fait, je crois que notre accord n'est pas si paradoxal que ça, et que nous sommes finalement assez d'accord sur un certain nombre de points (et je suis heureux de t'avoir fait changer d'avis ; quoique je doute qu'il soit bon d'en être heureux). Il me semble en tout cas que poser la Vérité comme atteignable est, au moins d'un point de vue méthodique, une meilleure idée que de l'annoncer irrémédiablement hors de portée, en tant que la première vision est source d'espoir, donc donne la force de s'améliorer, et la seconde, elle, peut être source de désespoir. Cela dit le désespoir n'est pas nécessairement une mauvaise chose et peut, lui aussi, être un moteur pertinent. J'ai de nombreuses choses à dire encore sur le désespoir, mais je les aborderai plus tard.

      Il est vrai que pour ma part, j'ai foi en l'humain, et je suis relativement optimiste sur beaucoup de points. Cela dit, cela ne change pas forcément grand-chose.

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  4. Salut. C’est Re-re-moi.
    Tout d’abord j’espère sincèrement que ça va mieux, par rapport à la période difficile dont tu parlais.
    Et j’espère aussi que je n’embête pas trop le monde à relancer cette conversation encore et encore.
    Je voulais simplement rajouter deux idées à ce qui a déjà été dit.

    Premièrement, je suis récemment tombée (en cours de philo) sur une définition de la Vérité qui me semble être assez intéressante par rapport au problème posé : La Vérité concerne le langage qui peut être vrai donc proche de la réalité ou faux. Et à partir de là, et si la Réalité est indépendante de l’Homme et de sa capacité à l’appréhender et à le comprendre dans son intégralité, La Vérité ne peux exister sans l’Homme. Et sans le langage qui est (et il me semble que tu avais écrit un article sur les mots) forcément limité en ce qu’il est incapable d’exprimer certaines nuances. Je ne sais pas à quel point cet exemple peut être pertinent mais je tente le coup (et puis je crois qu’il exprime aussi assez bien le principe d’approche asymptotique de la Vérité/Réalité) : En disant que ‘’la terre est ronde’’, je suis plus proche de la réalité que si je disais que ‘’la terre est plate’’ mais j’omet le fait que la terre n’est pas parfaitement ronde, je ne donnes pas de mesures exactes, je ne dis pas à quel instant ces mesures sont valables parce qu’il y a peut-être d’infimes changements qui ont eu lieu ou même une précision de mesures que je ne peux pas avoir (le papillon de Lorenz). Et sans prétendre que cela constitue une limite, cela transforme quelque part la Vérité ‘’absolue’’ en un tas de Vérité partielles et incomplètes, à partir de là comment faudrait-il redéfinir La Vérité. Mais là j’arrête parce que ça part un peu dans tous les sens.

    Aussi, je n’ai pas lu le Mythe de Sisyphe même si ce n’est pas l’envie qui me manque. Par contre, j’ai lu beaucoup des romans et des pièces de Camus et je te conseille vivement de lire ‘’La Peste’’ (Et l’Etranger, ou encore La Chute si sa philosophie t’intéresse en général) puisque ce roman me parait illustrer assez bien le cheminement qui mène à la Révolte dans sa philosophie. Et je pense justement que l’idée de la Révolte peut être vraiment intéressante traitée ici. Parce que l’absurdité, l’absence de sens et de ‘’raison/cause’’ est ce qui provoque la révolte et donc l’Homme (‘’Je me révolte donc nous sommes’’). La recherche de Vérité, si elle se fait au nom de cette révolte-là qui reconnait parfaitement ses limites et la ‘’tendre indifférence du monde’’ et pas au nom du réconfort me semble aussi très noble comme moteur de recherche de la Vérité. Parce que l’Homme selon Camus ne se résigne jamais.
    Enfin, et par rapport à cette idée de réconfort je crois qu’il pourrait être intéressant de citer Nietzsche pour qui la recherche de rationalité dans le monde n’est qu’un moyen de trouver du réconfort (tout comme l’idée d’un Dieu) le Réel n’étant lui-même irrationnel. Il n’y a que l’artiste qui peut réellement appréhender le monde en nous le montrer sous toutes ses formes possibles.
    Et voilà, on retourne à l’idée de pluralité des Vérités et à celle de sentiments (l’artiste la révolte tout ça…) ^^
    Moi tout ça, ça m’a donné envie de bloguer en tout cas. Merci. Encore une fois.

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    1. Saluuut !
      Je vais mieux, oui. (Je raconte ma vie mais ça a l'air de t'intéresser ^^) En fait, les cours sont toujours plus difficiles, et moi toujours plus fatigué, mais disons que j'ai retrouvé une sorte de stabilité émotionnelle et de paix avec moi-même que je n'avais pas connue depuis plus de six mois, peut-être plus d'un an. Donc c'est bien. Et ma pensée se développe et j'adore ça !
      Bien entendu, j'apprécie grandement ta contribution ; en fait, tu m'affectes de joie à chaque fois que tu me réponds : j'aime beaucoup discuter avec toi.

      En fait, tu as raison. C'est extrêmement pertinent. Mais en un sens ça ne remet que partiellement en cause ce que je disais, parce que je crois qu'inconsciemment, je le savais. Il me faut juste réorganiser un peu mes pensées et redéfinir deux trois choses et je devrais pouvoir te répondre...
      Bien. Donc la Vérité liée au langage est une approximation de la Vérité exacte, à savoir, un discours (ici, il y avait déjà les notions d'humain et de langage) qui décrit exactement la réalité. La facilité pour moi serait alors de dire que la Vérité liée au langage est une partie de la Vérité exacte. Mais il me semble qu'il y a plus pertinent. En fait, à mon avis, la Vérité liée au langage peut énoncer des Vérités exactes, mais partielles, bien entendu, et comme tu le dis, il faut alors préciser les conditions sous lesquelles l'énoncé est vrai, les suppositions qui ont été faites, etc. Je pense qu'ici, d'ailleurs, l'implicite (pouvant être rendu explicite) joue un grand rôle. Une Vérité liée au langage peut être écrite, quand l'oral fuit et les pensées s'étiolent. Et les conditions, réunies, les suppositions, précisées, les approximations, soulignées. Et l'énoncé produit, certes partiel, ne serait-il pas une Vérité exacte ? Et même, une fois qu'on a mis toute cette Vérité par écrit, on sait que l'idée que l'on a dans l'Esprit, si on sait effectivement la rendre adéquate, n'est rien d'autre que la Réalité sous le point de vue de l'Esprit. Je m'explique : pour moi (qui interprète Spinoza), l'Esprit est comme la somme de toutes les informations qui concernent toutes les choses de la Réalité (l'Étendue chez Spinoza) et leurs relations. En fait, l'information et la chose tangible sont identiques mais sous deux points de vue différents : la chose est matérielle, et évolue, et interagit, avec des choses matérielles. L'information de cette chose la décrit entièrement, et évolue, et interagit, avec les informations à propos des choses avec lesquelles la première chose évolue et interagit. Si j'en reviens à la Vérité liée au langage qui, partielle, a été réunie sur une feuille, elle décrit (sans être) l'information qui concerne la portion de Réalité considérée, c'est-à-dire qu'elle décrit la Réalité sous le point de vue de l'Esprit, le seul qui nous soit intelligible. Donc on a un tas de vérités partielles et incomplètes, mais exactes, et de plus en plus exactes, et considérant l'information détenue par l'humanité, nous connaissons tant de choses !
      Je ne sais pas si je suis très clair... (Dire que je voulais être succinct...)

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    2. J'ai lu La Peste et L'Étranger (et j'ai même relu ce dernier récemment). La Chute est clairement dans mes projets de lectures, mais j'ai, hmm, au moins 35 livres à lire...
      J'avoue ne pas avoir perçu la Révolte dans La Peste. Mais peut-être que je l'ai perçue mais inconsciemment, pourrais-tu me développer plus précisément en quoi ce roman illustre le cheminement dont tu parles s'il te plaît ? Cela me ravirait !
      Et sur la révolte, je sais que je me revendique comme "Penseur Sans Libre-arbitre" précisément par résistance, parce que reconnaître toutes les causes qui me font agir et les accepter, c'est quelque chose que peu font et que je le revendique, et c'est ma prise de conscience de leur existence, et non de leur absence (qui me semble assez injustifiable au vu des faits), qui cause la révolte. En tout cas, celle-ci semble découler toujours d'une prise de conscience, et cela me semble normal.
      En tout cas merci de justifier la recherche de Vérité (sous certaines conditions), tu m'offres là... un réconfort. Je le reconnais, j'ai bien trop peur que les limites dont parle Camus soit trop resserrées. Bref. Par contre, la "tendre indifférence du monde", j'en suis pleinement conscient, mais cela n'empêche pas de dialogue avec lui (par les expériences de découvertes etc.), ni les jeux avec lui (la découverte)... Il n'est, dans notre imaginaire, pas indifférent, et pourtant cela ne nous dessert pas. Au contraire, c'est là que nous sommes touchés, et que nous pouvons avancer, mus par cette force émotionnelle.
      L'idée nietzschéenne du réconfort ressemble beaucoup, en effet, à l'idée qu'a Camus du suicide philosophique. Seulement... Cette position me semble une abstraction complète et en fait, elle m'irrite un peu en tant qu'elle ne permet pas de vivre. Elle permet de croire qu'on vit. Et je refuse de croire.
      En fait, d'après mes récentes réflexions sur l'Art, sa raison d'être est de "contribuer au plus grand de tous les arts : l'art de vivre" (Brecht, Petit organon pour le théâtre). Ils sont tous un moyen de ressentir plus pour mieux faire face aux situations sociales, de connaître davantage pour mieux survivre, d'un point de vue général. La connaissance n'était pas seulement rationnelle.
      Heureux de t'avoir inspirée ! C'est réciproque en tout cas :) De rien, donc, et merci à toi aussi, encore une fois =)

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