samedi 31 janvier 2015

Les sombres temps

Nous vivons dans de "sombres temps". Nous, Plume et Remucer, tenons à partager un texte, illustré par un dessin original, parce qu'un texte est toujours plus profond complété par une image, et une image plus riche entourée par un texte. Voici donc un texte de Bertolt Brecht, traduit par Remucer, et une illustration de celui-ci, réalisée par Plume. Nous laissons vos yeux libres de voir ce qu'ils souhaitent voir, mais prions vos esprits de réagir à cet appel que nous vous lançons tranquillement mais instamment.


An die Nachgeborenen
À ceux qui naîtront après nous

I

Wirklich, ich lebe in finsteren Zeiten!
Vraiment, je vis dans de sombres temps !
Das arglose Wort ist töricht. Eine glatte Stirn
La parole insouciante est insensée. Un front plat
Deutet auf Unempfindlichkeit hin. Der Lachende
Indique l’insensibilité. Celui qui rit
Hat die furchtbare Nachricht
N’a simplement pas encore reçu
Nur noch nicht empfangen.
L’effrayante nouvelle.

Was sind das für Zeiten, wo
Que sont-ce que ces temps, où
Ein Gespräch über Bäume fast ein Verbrechen ist
Une discussion à propos des arbres est presque un crime
Weil es ein Schweigen über so viele Untaten einschließt!
Puisqu’elle renferme un silence à propos de tant de méfaits !
Der dort ruhig über die Straße geht
Celui qui va calmement le long de la rue
Ist wohl nicht mehr erreichbar für seine Freunde
N’est-il donc plus accessible à ses amis
Die in Not sind?
Qui sont dans la détresse ?

Es ist wahr: ich verdiene noch meinen Unterhalt
C’est vrai : je gagne encore de quoi vivre
Aber glaubt mir: das ist nur ein Zufall. Nichts
Mais croyez-moi : ce n’est rien qu’un hasard. Rien
Von dem, was ich tue, berechtigt mich dazu, mich sattzuessen.
De ce que je fais justifie que je mange à ma faim.
Zufällig bin ich verschont. (Wenn mein Glück aussetzt, bin ich verloren.)
Par hasard suis-je épargné. (Si ma chance m’abandonne, je suis perdu.)

Man sagt mir: Iß und trink du! Sei froh, daß du hast!
On me dit : Mange et bois ! Réjouis-toi d’avoir ce que tu as !
Aber wie kann ich essen und trinken, wenn
Mais comment puis-je manger et boire, quand
Ich dem Hungernden entreiße, was ich esse, und
J’arrache à l’affamé ce que je mange, et que
Mein Glas Wasser einem Verdurstenden fehlt?
Mon verre d’eau manque à un assoiffé ?
Und doch esse und trinke ich.
Et pourtant, je mange et je bois.

Ich wäre gerne auch weise.
J’aimerais aussi être sage.
In den alten Büchern steht, was weise ist:
Dans les anciens livres, il est écrit ce qu’être sage veut dire :
Sich aus dem Streit der Welt halten und die kurze Zeit
Se tenir hors des conflits du monde, et le temps fugace,
Ohne Furcht verbringen
Le passer sans crainte,
Auch ohne Gewalt auskommen
Aussi, s’en sortir sans violence,
Böses mit Gutem vergelten
Récompenser le mal par le bien,
Seine Wünsche nicht erfüllen, sondern vergessen
Ses rêves, ne pas les réaliser, mais les oublier,
Gilt für weise.
Voilà qui est considéré comme sage.
Alles das kann ich nicht:
Tout cela, je ne le peux pas :
Wirklich, ich lebe in finsteren Zeiten!
Vraiment, je vis dans de sombres temps !

II

In die Städte kam ich zur Zeit der Unordnung
Dans les villes je vins au temps du désordre,
Als da Hunger herrschte.
Alors que la faim y régnait.
Unter die Menschen kam ich zu der Zeit des Aufruhrs
Parmi les Hommes je vins au temps du soulèvement,
Und ich empörte mich mit ihnen.
Et je m’indignai avec eux.
So verging meine Zeit
Ainsi passa le temps
Die auf Erden mir gegeben war.
Qui m’était donné sur Terre.

Mein Essen aß ich zwischen den Schlachten
Mon repas, je le mangeais entre les batailles,
Schlafen legte ich mich unter die Mörder
Pour dormir, je m’allongeais parmi les meurtriers,
Der Liebe pflegte ich achtlos
L’amour, je m’y adonnais sans prendre garde
Und die Natur sah ich ohne Geduld.
Et la nature, je la considérais sévèrement.
So verging meine Zeit
Ainsi passa le temps
Die auf Erden mir gegeben war.
Qui m’était donné sur Terre.

Die Straßen führten in den Sumpf zu meiner Zeit.
Les rues conduisaient dans la fange, de mon temps.
Die Sprache verriet mich dem Schlächter.
Le langage me trahit au boucher.
Ich vermochte nur wenig. Aber die Herrschenden
Je ne pouvais que peu agir. Mais les dirigeants
Saßen ohne mich sicherer, das hoffte ich.
S’établirent sans moi plus sûrement, du moins je l’espérais.
So verging meine Zeit
Ainsi passa le temps
Die auf Erden mir gegeben war.
Qui m’était donné sur Terre.

Die Kräfte waren gering. Das Ziel
Les forces étaient restreintes. Le But
Lag in großer Ferne
Restait dans le lointain.
Es war deutlich sichtbar, wenn auch für mich
Il était clairement visible, bien que pour moi
Kaum zu erreichen.
Presque inatteignable.
So verging meine Zeit
Ainsi passa le temps
Die auf Erden mir gegeben war.
Qui m’était donné sur Terre.


III

Ihr, die ihr auftauchen werdet aus der Flut
Vous, qui émergerez du flot
In der wir untergegangen sind
Dans lequel nous avons sombré
Gedenkt
Souvenez-vous
Wenn ihr von unseren Schwächen sprecht
Lorsque vous parlez de nos faiblesses
Auch der finsteren Zeit
Aussi du sombre temps
Der ihr entronnen seid.
Duquel vous êtes épargné.

Gingen wir doch, öfter als die Schuhe die Länder wechselnd
Nous allions donc, changeant plus souvent de chaussures que de pays
Durch die Kriege der Klassen, verzweifelt
À travers la guerre des classes, désespérés
Wenn da nur Unrecht war und keine Empörung.
Quand il n’y avait qu’injustice et aucune indignation.

Dabei wissen wir doch:
Pourtant, nous le savons bien :
Auch der Haß gegen die Niedrigkeit
Même la haine contre la bassesse
Verzerrt die Züge.
Déforme les traits
Auch der Zorn über das Unrecht
Même la colère contre l’injustice
Macht die Stimme heiser. Ach, wir
Rend la voix rauque. Ah, nous,
Die wir den Boden bereiten wollten für Freundlichkeit
Qui voulions préparer le terrain pour l’amitié
Konnten selber nicht freundlich sein.
Ne pouvions nous-même pas être amicaux.

Ihr aber, wenn es so weit sein wird
Mais vous, lorsque le temps sera venu,
Daß der Mensch dem Menschen ein Helfer ist
Où l’Homme est une aide pour l’Homme,
Gedenkt unsrer
Pensez à nous
Mit Nachsicht.
Avec indulgence.

Bertolt Brecht Werke: Gedichte 2. Vol. 12. Berlin: Aufbau-Verlag, 1988; pp. 85-7. An die Nachgeborenen


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