dimanche 4 mai 2014

Jeux de pouvoirs (2) : Influences et Citoyens

Dans mon dernier article (ici), j'ai laissé un certain nombre de questions en suspens, et de points non éclaircis. De plus, j'aimerais aller plus loin encore dans la réflexion. C'est parti pour un second article sur les pouvoirs.

I. Influences



La dernière fois, mon raisonnement avait mené à ce schéma :

Légende :
L = Législatif
E = Exécutif
J = Juridique
P = Peuple
--> = Contrainte (cas 1)
--> = Contrainte (cas 2)
--> = Contrainte (cas 1 et 2)


Maintenant que je n'ai plus besoin de distinguer d'où viennent les flèches, je vous propose ce même schéma, sous une autre version, plus claire, que je vais à présent expliquer et mettre à l'épreuve :

Légende :
L = Législatif
E = Exécutif
J = Juridique
P = Peuple
--> = Impose une contrainte sur


Le Peuple, ce n'est pas que la somme de toutes les volontés de tous les individus. C'est aussi une volonté générale, de tous s'associer dans un même but : survivre le mieux possible, se préserver dans son être, c'est-à-dire en tant que Peuple, parce que nous avons besoin d'être un Peuple. Ce Peuple, donc, que nous sommes, veut des lois. Le pouvoir Législatif conditionne donc le comportement des pouvoirs Exécutifs et Judiciaires, en tant qu'ils s'appuient sur la Loi. Ensuite, le pouvoir Exécutif a un pouvoir "rétroactif" sur le peuple. C'est-à-dire qu'il s'assure que le peuple fait effectivement ce qui est bon pour lui, et ce qu'il a choisi. À une majorité de voix. Le Judiciaire, lui, a le même type de pouvoir, mais lui, il juge (sans blague). C'est-à-dire que la loi dit qu'il faut sanctionner, le pouvoir Judiciaire décide dans quelle mesure. En comparant et en usant de logique. En théorie.
Ensuite, on sait qu'il y a également un conditionnement du Peuple vers le pouvoir Exécutif. En fait, c'est l'élection. Simplement, je trouve qu'il y a trop de nominations après les élections... Mais ce n'est que mon avis.
Enfin, les pouvoirs Exécutif et Judiciaire, doivent (et je crois que c'est là la nouveauté), s'équilibrer mutuellement. Sans sortir de leur sphère d'influence. Donc, l'Exécutif constate les éventuels manquements à la loi de la part du système Judiciaire, mais sans les punir. Les médias se chargeant de diffuser l'affaire, ce n'est pas nécessaire. Le Judiciaire, lui, peut décider de punir l'Exécutif s'il manque à la loi.
Ensuite, pourquoi ne pas mettre des flèches à double sens partout. L'Exécutif et le Judiciaire utilisent la Loi pour réaliser ce pour quoi ils sont conçus (respectivement appliquer la loi et juger). Donc ce serait absurde, si le pouvoir Législatif voulait changer la Loi, que le pouvoir Exécutif y ait quelque chose à redire.

Qu'il n'y ait pas de flèche depuis le Législatif vers le Peuple est aussi logique. En effet, le Législatif ne fait que promulguer les lois. Celui qui les fait appliquer, et qui a donc une vraie influence sur le Peuple, c'est l'Exécutif, pas le Législatif.

Ensuite, le pouvoir Judiciaire. J'avoue que l'on pourrait lui mettre une flèche d'influence provenant du Peuple. (D'ailleurs, ça rendrait le schéma parfaitement symétrique, mais on ne décide pas de ces choses-là par symétrie...) Mais j'ai tendance à dire qu'il faut que le Judiciaire soit indépendant pour être impartial, et qu'une influence venant du peuple, telle qu'une élection, ne serait pas forcément souhaitable. D'autant que les juges sont recrutés sur concours (d'ailleurs, je détestes la notion de concours. On prend les N meilleurs. Mais les N meilleurs d'une année peuvent être nettement moins bons que les N meilleurs de la suivante...), donc font, en soi, un peu partie du peuple.

Bien. Selon moi, selon ce système théorique, on peut aboutir à un système relativement équilibré. Mettons-le à l'épreuve pour vérifier.

Que se passe-t-il si l'Exécutif manque à la Loi ? (c'est à dire, rompt la flèche d'influence venant du Législatif) Il n'est plus réélu, est victime de protestations de la part du peuple, et, dans ce système, puni par le Judiciaire.

Que se passe-t-il si l'Exécutif manque au Peuple ? S'il manque au Peuple, celui-ci proteste. Comme dans le cas ci-dessus. Mais en plus, il manquera très certainement à la Loi... Donc même cas de figure.
Que se passe-t-il si le Judiciaire manque à la Loi ? L'Exécutif le constate, on l'a dit, les médias transmettent l'information, et le Judiciaire perd son pouvoir, par le Législatif ou par le Peuple (et en ce sens, il serait logique de mettre une flèche d'influence venant du Peuple sur le Judiciaire... Qu'en pensez-vous ?).
De même, s'il manque au Peuple, on peut attendre le même genre de réactions.

Que se passe-t-il si le Législatif manque au Peuple ? Alors le Peuple ne réélit pas ses représentants Législatifs, et il peut également protester. Au final, c'est lui qui doit avoir le dernier mot. Parce qu'on est dans une Démocratie. Punaise. Ça veut dire "Le pouvoir au Peuple". Et vous remarquerez que, sans peuple, aucun des pouvoirs n'existerait.

Maintenant, si le Peuple manque à l'Exécutif ou au Judiciaire, il se fait punir par le Judiciaire (l'Exécutif constatant). Et si le Judiciaire tout entier est remis en cause, l'Exécutif tranche, ou la Loi décide.

En guise de transitions pourrie, répondons aux questions que j'ai moi-même posée un peu plus tôt :
1) Que signifie une flèche dans les deux sens ?
En soi, j'ai fini par conclure que... Ben c'est simplement une action réciproque. Mais pas de même nature. Donc en fait, ça n'a rien à voir. Pas de sens particulier, je pense.
2) Quelle importance a une flèche présente dans les deux modèles ? (cas 1 et 2 plus haut)
Décidément, je pose des questions débiles. (Pour ma défense, je ne savais pas que c'était débile). On pourrait dire que ce sont des flèches dont on est sûr qu'elles doivent exister et s'exercer dans ce sens. Mais en soi, ça n'apporte pas grand-chose...
3) Les trois pouvoirs de Montesquieu sont-ils bien bornés donc séparés ? Comment ?
Ah. Une question un peu intéressante. Est-ce que l'interdépendance des pouvoirs garantit leur séparation ? Non, elle garantit seulement qu'ils n'abusent pas de leurs pouvoirs respectifs.
4) Le système est-il complet ?
Au niveau des influences, oui. En rajoutant une flèche depuis le Peuple vers le Juridique (finalement, j'ai décidé de la mettre quand même.). Mais on ne peut pas laisser un système comme ça. Comme le montre la question précédente, il faut s'occuper des séparations, à présent.
5) Le Peuple doit-il être, lui aussi, strictement séparé des autres pouvoirs ?
C'est tout l'objet de la partie suivante. Oui, il le doit, et je vais montrer pourquoi.
6) Au contraire, le Peuple fait-il corps avec l'un des pouvoirs, ou avec deux voire avec tous ?
En fait, c'est difficile à dire. En soi, chacun des pouvoirs est constitué du Peuple par le Peuple. Donc en soi, le Peuple est tous les pouvoirs à la fois. Mais d'un autre... Non. Vous allez comprendre.

II. Citoyens

Le principal reproche d'Hegel à Rousseau, qui théorisa la notion d'intérêt général, ou de volonté générale (Il y a une petite nuance, mais bon. Elle n'est pas nécessaire dans mon raisonnement.), c'était de ne pas séparer le Citoyen du Bourgeois (c'est le terme d'Hegel), l'État de la Société.
Donc dans le Peuple, au sens général, on peut distinguer deux types de gens : les Citoyens, c'est-à-dire les personnes impliquées dans la vie de l'État, et, fatalement, dans un des quatre pouvoirs, et les Bourgeois (ici, le sens est simplement celui de "non-Citoyen", c'est-à-dire, celui de non impliqué dans l'État), qui, eux, font partie de la Société, et sont moins impliqués dans la vie de l'État. On ne peut, en effet, plus nous demander à tous de voter toutes les lois, et nous, Bourgeois, élisons donc des représentants pour qu'ils soient Citoyens à notre place.
Dans les Citoyens, on peut distinguer les Citoyens "gouvernementaux", qui participent aux trois pouvoirs traditionnels, et les Citoyens "non-gouvernementaux", qui représentent le quatrième pouvoir. C'est à cela qu'il faut faire très attention. Ces Citoyens agissent dans leur propre intérêt, ou dans l'intérêt d'un grand nombre, pas nécessairement dans l'intérêt général... D'autant plus que ceux-ci ne sont pas élus.

Ainsi, on peut conclure que :
-Les Citoyens gouvernementaux sont plutôt représentants de l'intérêt général. Ils font donc corps avec les 3 pouvoirs, et font partie du "peuple" au sens courant.
-Les Citoyens non-gouvernementaux ne sont pas forcément représentants de l'intérêt général.
-Ceux qui le sont constituent à eux seuls le quatrième pouvoir, le Peuple.
-Ceux qui ne le sont pas sont dangereux car ils risquent de représenter un intérêt particulier au lieu de l'intérêt général, or le quatrième pouvoir ne peut s'inscrire correctement dans le système décrit plus haut que si celui-ci représente bien la volonté générale.

Ici, je vais donc reprendre une réflexion de Spinoza, dans un texte du Traité théologico-politique, que j'ai récemment eu la chance de commenter (qu'est-ce qu'on s'éclate, en philo). L'idée est la suivante :
Toute personne, c'est-à-dire tout membre du peuple, peut avoir une influence sur le gouvernement. Mais il doit le faire par la seule expression (et la pensée, évidemment), et soumettre son jugement - appuyé d'arguments rationnels et réfléchis - au gouvernement, ici, au pouvoir Législatif, qui décidera s'il faut ou non changer la Loi.
En quoi cette réflexion a-t-elle un sens, et même un rôle crucial dans le système que j'ai théorisé ? En fait, si ce que l'on croit - même en l'ayant prouvé rationnellement - être bon pour tous, peut ne pas l'être. Si on ne sert pas l'intérêt général, alors, introduire une nouveauté dans la Loi est dangereux, à tel point que l'on risque de devenir "un perturbateur et un rebelle", comme dirait Spinoza. Le risque que cela se produise est d'autant plus grand que les Citoyens non-gouvernementaux ne sont pas élus. D'où l'intérêt qu'un maximum de personnes participent à la vie politique. En effet, ainsi, plus de gens seront représentés et le risque d'injustices sera réduit.

Légende :
L = Législatif
E = Exécutif
J = Juridique
P = Peuple 
CG = Citoyen gouvernemental
CNG = Citoyen non-gouvernemental
--> = Impose une contrainte sur
○ = Groupe


D'où, par exemple, ma Diane, c'est à dire, la part de moi qui ressent qu'il y a besoin d'agir.

Mais le risque existe également pour les autres Citoyens. Mais il est moindre, car nous les avons élus, ils sont censés nous représenter. Toutefois, l'expérience le montre, les Citoyens servent parfois leurs intérêts particuliers, voire d'autres intérêts particuliers, et même pas les leurs. Et plus ces Citoyens ont de pouvoir, plus ils ont de risque de réussir à servir des intérêts particuliers, parfois, et même souvent, au détriment de l'intérêt général.

D'où la nécessité, comme l'a montré Montesquieu, de séparer les pouvoirs, ce dont je vous parlerai un peu plus tard...

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