mercredi 12 octobre 2016

Les Grandes Questions sur la Vie, l'Univers et tout le Reste

-Tu les vois aussi, dit l'enfant, tous ces humains qui souffrent et qui se font souffrir. Ces conflits qui ne finissent pas, et la douleur qui résonne dans les corps. Et les yeux suspendus dans le vide, derrière la vitre concave, sentent gonfler en eux les ondes de noirceur qui suintent de l'âme. Alors regarde.
Ici, je pose un monde absolu et objectif. Et à son bras, la vérité universelle. Maintenant, je peux passer par ce monde sans ambiguïté pour communiquer avec mes pairs, et le langage sera infaillible dès que j'aurai construit un système de correspondance parfait entre les objets et les mots. Je créerai le grand isomorphisme entre le physique et le dit, entre le signifié et le signifiant. À présent, une connaissance parfaite me garantit l'entente entre tous les humains. En effet, il existe une manière de se comporter telle que chacun agisse pour son plus grand bien, et je peux prouver que le plus grand bien de chacun, c'est exactement le plus grand bien de tous. Fondons-nous les uns dans les autres. Aidons-nous, aimons-nous. La coopération est la clé de notre survie. Au moindre nouveau conflit, je m'effriterai. Le vent tourne autour de Big Ben, et lorsque l'aiguille tapera contre le cercle du haut, les cloches sonneront et le monde partira en miettes.

Big Ben
Non c'est pas minuit moins deux sur l'horloge.
(Mais c'est Big Ben et la Lune donc bon.)

Il est minuit moins deux.

~

Quand j'angoisse sur le monde, je vais lire de la philosophie.

Et quand tu lis la philosophie, assez vite, tu peux être très d'accord ou très pas d'accord avec les auteurs. C'est assez drôle qu'un domaine où devrait régner l'argumentation et la preuve (même si ce n'est pas de la science pure (oh là là)) soit aussi sujet aux émotions et aux passions. (Qu'on soit bien clair. C'est pareil en physique quand on doit interpréter un nouveau phénomène.) Mais du coup, il est intéressant de se pencher sur ce qui, à mon sens, constitue le cœur des débats passionnels de la philosophie.

La métaphysique (Bonjour toi ^^)

Kant a tenté de la réfuter. Parce que vous comprenez, pour former une connaissance, il faut une théorie et une expérience. Il appelle ça le jugement synthétique. Et donc, si tu ne peux pas avoir d'expérience d'une chose, tu ne peux pas former de connaissance vraie de celle-ci. Or la métaphysique se concentre sur les choses qui échappent à l'expérience. Donc la métaphysique ça sert à rien, pour Kant. (Je caricature.)

Parce que Kant, c'est la joie de vivre

Bon, alors déjà, premier point. Merci Kant. Comme ça on va arrêter de penser à l'existence de Dieu, de l'âme immortelle ou du déterminisme absolu. Franchement heureusement que tu as été là parce que sinon on aurait continué à se disputer pendant longtemps.
(Attendez. On me dit dans mon oreillette qu'on continue encore. Malgré Kant. Eh les gars, on vous a dit que ça servait à rien ^^)
Ce à quoi Kant est à mon avis aveugle, c'est à la raison qui pousse à faire de la métaphysique. Au moins, il a eu le mérite de montrer que ce n'est pas pour fonder une connaissance vraie (absolue, universelle, irréfutable, tout ce que tu veux).


Mais alors à quoi sert la métaphysique ? (Tu as vu comment j'ai trop fait une intro et là je mets ma problématique. Mais je vais pas t'annoncer mon plan parce que sinon je vais te spoiler et c'est nul de spoiler des idées.)

En vérité, Kant a déjà fait pour moi les deux premières parties. "La métaphysique, on peut penser qu'elle sert à fonder une vérité universelle, mais en fait non parce que jugement synthétique." Brave Kant.

C'est le moment de se servir de ce qu'on a dit au tout début. L'adhésion-répulsion sur critères émotionnels est courante en philosophie. On s'aveugle facilement sur les arguments des autres, on les caricature, on les ramène à une peinture bancale pour mieux faire tomber un édifice qui, pourtant, tenait bien.
C'est peut-être que l'on cherche à tout prix à défendre son système de croyances. Mais pourquoi est-ce si crucial de le défendre qu'on en vient à des arguments très infantiles ? (Je vous jure, dans certaines querelles philosophiques, on a l'impression que les protagonistes cachent du "je pense pas ça" derrière un maquillage logique qui ne tient qu'à moitié et qui dégouline sur les bords)


Il me semble raisonnable d'avancer que c'est parce que les philosophes sont des humains et que eux aussi ont des angoisses. Comme le laisse entendre le petit texte du début, la vérité universelle, le monde objectif, le déterminisme absolu, ça peut être un moyen de fonder une cohésion sociale indéniable (on a une très jolie théorie du pacte social chez Spinoza par exemple). De même, chez Husserl, on a une recherche de vérité, de fonder une "science", la phénoménologie, qui prouverait l'existence de soi et des autres (il "prouve" l'existence de soi un peu comme Descartes, puis il invoque une analogie (si, si, je vous jure, une analogie) pour dire que les autres aussi, ils existent). De là, il est assez clair qu'une dimension humaine émotive profonde sous-tend les démarches philosophiques.

C'est lui Husserl. Câlin. C'était bien essayé.
D'où l'importance de faire de la métaphysique, et de continuer à y réfléchir. Parce qu'en fait, la métaphysique est le témoin des angoisses existentielles des philosophes.

Peut-être que vous aussi, comme moi, vous avez des angoisses existentielles, et peut-être qu'en lisant de la philosophie, vous pouvez les apaiser.

C'est pour ça que même si Kant a balayé la métaphysique, on n'a pas arrêté d'en faire. Chaque être poursuit son chemin et se réconcilie avec soi-même et le monde. Et ça passe forcément par une forme de métaphysique.

Être en dépit de tout
Être en dépit de soi
(Éluard est cool que voulez-vous)

En continuant la philosophie, on rencontre d'autres personnes, et des lectures récentes de ces personnes qu'on a lues, puis des critiques, des extensions. On ressent comment tous ces humains se battent eux aussi contre les mêmes angoisses que nous. On se sent inclus dans un groupe social où on est compris. Et on évolue.
Maintenant, on a abandonné la vérité universelle, on a une perspective plus pragmatique (c'est le holisme si tu veux te renseigner) qui essaie de construire un savoir et une société malgré des inconnues fondamentales.

Et ce genre d'avancée est je crois cruciale non seulement pour la société mais pour soi-même. Certains humains qui font de la philosophie ont eu le même parcours que nous, et ont trouvé un chemin que nous pouvons suivre à notre tour. Quand on se débat avec la vie et que dans la tête, c'est difficile de vivre. Parfois il y a des gens pour nous mener comme par la main vers la Béatitude (cc Spinoza).
Et après on gagne un regard conscient sur ce qu'on ressent. On est capable d'être critique sur ce qu'on pense, et, à terme, avec beaucoup de temps, de changer un petit peu et vivre mieux. Parfois, on ne pourra pas changer d'idée, parce qu'on en aura besoin pour vivre. Mais on sera capable d'entendre les autres idées. D'écouter ses propres émotions. Et peu à peu, s'aimer, aimer. Aller mieux.

En fait, c'est ça.
La métaphysique, c'est vivre mieux.
C'est vivre avec soi. C'est vivre avec les autres.

(Alors Kant s'il te plaît sois gentil casse pas tout)
(Mais toi aussi tu devais être tout cassé alors câlins)

3 commentaires:

  1. gustavo@mail.postmanllc.net

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  2. Comme d'habitude je suis pas sûre d'avoir tout saisi mais juste c'est trop cool cet article

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  3. Je n'ai jamais pensé à ce jeu de cette façon. Merci d'avoir posté autant d'articles intéressants.

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