mardi 26 août 2014

Non-sens ?

Note : Cet article va être un peu technique. Mais je préfère avoir un raisonnement rigoureux plutôt que de vous dire des choses potentiellement fausses. Je fais ce que je peux pour être clair et détailler toute ma pensée =) N'hésitez pas à demander dans les commentaires ce que vous ne comprenez pas, ou à relever les passages ne vous semblent pas clairs (même s'il y en a beaucoup :p). Mon but est d'être compris de tous, et ce n'est pas une honte de ne pas comprendre un raisonnement que j'ai mis plusieurs jours à élaborer, et qui, en fait, découle de toute une année (voire même toute une vie) de lectures et de réflexion... ^^


Introduction

Nous parlons beaucoup du sens des choses : le sens d'un mot, d'un événement, d'une action, d'une existence (par exemple, la vie en général, ou sa propre vie)... Mais n'accordons-nous pas au sens plus d'importance qu'il n'en mérite ? (Autre formulation drôle de la même question, pour se détendre : Le sens a-t-il un sens ? (haha qu'est-ce qu'on se marre ^^))

Le sens d'un mot, par définition, c'est l'idée que ce mot fait naître en nous à son écoute ou à sa lecture. Idée de notre esprit qui peut donc être vraie, c'est-à-dire que cette idée est dans notre esprit en tous points conforme à une donnée du monde physique et tangible. Cette idée peut aussi ne correspondre à aucune réalité (par disruption des cas : soit elle est vraie, soit elle ne l'est pas), on la nomme alors illusion.

La question à laquelle je me propose de répondre ici est la suivante : Le sens d'un événement, d'une action ou d'une existence est-il une vérité ou une illusion ?
User des termes de vérité et illusion me permet de souligner le fait qu'un sens est purement intellectuel. Ce n'est qu'une donnée de l'esprit (par définition).


Sommaire :

Partie 1 : Événement, action,
Partie 2 : Hasard et Nécessité
Partie 3 : Les illusions de la conscience - Illusion des causes finales
Partie 4 : Différents sens


Partie 1 : Événement, action, existence

Introduisons maintenant quelques autres notions qui nous permettront de décrire les événements, les actions et les existences.

Un événement est "quelque chose qui se produit" à position et temps donnés. "Quelque chose qui se produit", c'est par définition la conséquence d'une cause. Donc un événement est une conséquence apparue à un endroit et à un moment donnés et disparue aussitôt.

Une action, par définition, c'est ce que nous faisons. "Nous", des êtres humains. "Faire", c'est provoquer un événement. Donc, finalement, une cause, c'est simplement : un événement dont un ou plusieurs être(s) humain(s) est/sont la cause. En d'autres termes, c'est une conséquence, dont nous sommes la cause, apparue à un endroit et un moment donnés.

Une existence, enfin, c'est par définition un événement, mais dont le temps n'est pas ponctuel, mais continu (c'est-à-dire qu'il s'étend d'un point du temps à un autre), et dont la position peut varier au cours du temps, sur l'intervalle considéré.
Un événement, c'est donc une existence ponctuelle. Une existence, c'est une conséquence apparue à un endroit et un moment donné, disparue éventuellement à un autre endroit, mais forcément à un autre moment.

On voit donc dans les trois cas que, par définition, ces trois choses sont des conséquences, et qu'en vertu du postulat de causalité (une cause provoque une conséquence et une conséquence suit forcément une cause), elles ont une cause.


Partie 2 : Hasard et Nécessité

Définissons à présent ces deux notions.

La nécessité, c'est "ce qui ne peut pas ne pas être", si vous voulez, ce qui est forcément. Cela désigne plus généralement les lois dans leur ensemble.

Le hasard, c'est une "cause imprévisible". Je vous renvoie à cet article pour la distinction entre hasard strict et hasard subjectif. Pour faire court, le hasard, c'est-à-dire le caractère imprévisible de quelque chose, vient souvent du simple fait que nous ignorons les nombreuses règles qui régissent l'événement que nous observons : en ignorant ces règles, nous ne pouvons rien prévoir. Pourtant, en connaissant ces règles, l'impossibilité de prévoir disparaît, donc il n'y a plus de hasard (c'était du hasard subjectif, causé par notre ignorance). Le hasard strict, lui, est totalement imprévisible, mais on ne le trouve pour ainsi dire qu'en physique quantique.

Nous allons à présent admettre un postulat, mais un postulat qui, comme la causalité, semble irréfutable : "Tout ce qui existe dans l'univers est le fruit du hasard ou de la nécessité". Démocrite a dit exactement la même phrase, dont je me suis inspiré, mais en disant "et", et non pas "ou". J'explique la différence qu'il y a entre les deux et le sens que je donne à chacune de ces deux propositions.

Démocrite (ici, j'imagine ce qui me semble plausible) considérait tous les objets qui existaient pendant qu'il existait lui-même et a dit : s'ils existent aujourd'hui, c'est que leurs causes ont été tour à tour le hasard et la nécessité, dans un ordre quelconque, si bien que c'est l'alliance de ces deux concepts qui est nécessaire afin d'expliquer tout ce qui existe à présent dans l'univers. (Notez que "ce qui existe à présent" est un pléonasme, puisque "ce qui existe" est déjà au présent, mais j'insiste.)

Pour ce que j'essaie de démontrer, le postulat est le suivant : en considérant une seule conséquence, on admet que sa cause peut-être uniquement de deux natures distinctes, à savoir soit le hasard, soit la nécessité (Hasard OU Nécessité). La cause elle-même étant conséquence, et ainsi de suite, une conséquence finale est le plus souvent le fruit d'une longue chaîne causale dont les causes sont le hasard, la nécessité, ou un mélange des deux. "Le fruit du hasard ou de la nécessité" contient donc un ou inclusif, c'est-à-dire, un "et/ou".

Nous avons donc admis l'axiome en gras.


Partie 3 : Les illusions de la conscience - Illusion des causes finales

Nous, humains, sommes habitués à considérer les choses en comparaison avec nous-mêmes (cela s'observe statistiquement très souvent). C'est ainsi que, puisque nous désirons certaines choses, nous nommons ces choses notre but, et qu'ainsi, pensant que le monde est le reflet de notre esprit, nous disons que les choses sont faites dans un but précis. Nous disons : "Cet événement s'est produit parce que le but était qu'il se produise" (Exemple : Cet humain a peint un tableau parce que son but était de le peindre). La cause est donc le but, c'est ce qu'on appelle cause finale (car la fin (pas l'extrémité) est parfois synonyme de but). Or on pose comme une cause ce qui est en fait la conséquence. Pour cette simple raison, on peut dire que les causes finales sont des illusions, des données de notre esprit : Comment une conséquence peut-elle être sa propre cause ?

Dans l'exemple du peintre, voilà comment nous pourrions définir son action, sans jamais parler de but : Cet humain a été élevé et a vécu de telle manière à ce qu'il prenne plaisir à créer des œuvres plastiques. Il a compris que, si il peignait ce tableau, il en ressentirait du plaisir. Il a donc désiré le peindre et, obéissant à son désir, l'a peint.

En fait, les événements, les actions et les existences n'ont pas de but et ne sont le fruit d'aucune finalité : il n'y a pas de finalité. Ils sont des conséquences, ils sont donc simplement causés. Ils sont les conséquences du Hasard strict (qui ne laisse aucune place à un but) et de la Nécessité (des règles immuables, donc aucun but ne peut être instillé dans de telles règles).


Partie 4 : Différents sens

Finalement, lorsque nous disons "J'ai donné un sens à ma vie", "Cet action est pleine de sens", "Percevez-vous le sens des événements qui vous entourent ?", nous leur attribuons un but : "Le but de ma vie, c'est de sauver le monde", "Cette action révèle le but de son acteur : dénoncer la guerre", "Les événements qui nous entourent indiquent le grand dessein divin que nous soyons tous heureux" (je simplifie volontairement, ne nous attardons pas sur des exemples).

Ainsi, si le sens est un but, comme il n'y a pas de but, il n'y a pas de sens.

Mais le sens, cela peut être autre chose qu'un but. Que peut-on déceler dans un événement, une action, une existence ? Ce sont trois conséquences, donc nous pouvons sans doute en déceler la cause, et la nommer alors sens.

Ce que je montre donc, c'est que le sens de nos vies et de nos actions, c'est simplement ce que nous désirons pour être heureux. Quant au sens de tout ce qui nous entoure, c'est le hasard et la nécessité. Aucun but, aucune finalité, juste des lois.


Conclusion :

En définissant ce que sont les événements, actions, existences, on comprend qu'ils sont conséquences, et que leurs causes sont toujours le Hasard et la Nécessité. En ce qui concerne les actions et existences humaines, leur cause directe (c'est-à-dire la cause qui les précède directement) est toujours le désir. Or, le sens que l'on donne aux événements, actions, existences, c'est un but, mais elles n'en ont pas. Donc on redéfinit le sens, qui devient la compréhension des causes. Et pourtant, cela ne change pas grand-chose, concrètement, d'un point de vue humain. On oublie simplement l'idée de but, qui n'est qu'une illusion, et on prend conscience de pourquoi on agit (quelle cause nous y pousse ?) au lieu de se demander pour quoi on agit (dans quel but ?).

3 commentaires:

  1. Je vais essayer de noter mes observations au fur et à mesure...tu verras, je suis pleine d'incompréhension, et ce n'est pas grave si tu ne réponds pas à toutes les interrogations.
    Premièrement, je ne vois pas comment on peut prouver qui de Démocrite ou toi a raison, ou pourquoi on accepterait ton postulat plutôt que le tien ou inversement.
    Deuxièmement, dans ton exemple du peintre, par rapport au but (ton raisonnement sur le but, ça m'a toujours chiffonnée) : en l'occurrence, on pourrait dire que je but est la conséquence, justement, c'est à dire le plaisir ressenti. Ce qui n'est pas dans la cause : en effet ce n'est pas parce qu'il ressent du plaisir qu'il peint mais bien le contraire. ...en fait, si. Mais c'est les deux. Il peint parce qu'il en ressent plaisir, et il a du plaisir parce qu'il peint. Et il ne faut pas oublier que tout ne se fait pas parce que on sait qu'en le faisant on ressentira du plaisir. On peut par exemple vouloir changer le monde parce qu'on pense qu'ainsi, les gens seront plus heureux. Et là, quelle est la cause ? Le bonheur des gens ? Bien sûr que non puisqu'il n'est pas encore réel. Il y a donc bien un but...nope ? (je suppose que j'ai tort, évidemment, et toi raison, mais j'aimerais comprendre en quoi) Excepté cela, si on admet que le but est une illusion et n'existe donc pas, la suite de ton raisonnement me parait...compréhensible. (du moins j'espère avoir compris au moins un peu)
    Troisièmement, dans ta conclusion, tu nous sors "En ce qui concerne les actions et existences humaines, leur cause directe (c'est-à-dire la cause qui les précède directement) est toujours le désir." D'une part, je me demandais quelle est ta définition du désir, et d'autre part, où et quand cette phrase a été prouvée.
    Pour conclure mon commentaire tout pourri : j'ai bien l'impression qu'au final, c'est la même chose qui est exprimée, mais néanmoins de manières différentes. Au fond, tu remplace ce qu'on appelle but par la cause, et c'est plus ou moins la même chose. (Je me trompe ?)
    Encore désolée si j'ai rien compris et que je demande trop d'explications x)

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    1. La différence entre les deux est simplement que pour Démocrite, il y aurait (j'imagine) forcément plusieurs causes, ou une chaîne de causes. Pour moi, il y a des choses qui ont une cause unique. Ça me semblait donc plus rigoureux de mettre un "ou" inclusif, mais ça ne change pas grand-chose au final.

      Si le peintre peint, c'est parce qu'il sait qu'ensuite, il ressentira du plaisir. Il sait qu'il sera heureux donc il peint donc il ressent du plaisir.
      À mon avis, nous voulons vivre et faire vivre notre espèce (conatus), parce qu'on se reconnaît dans ses semblables, un peu comme soi-même ; donc aider les gens et changer le monde fait partie de nos désirs. D'autre part, c'est dans notre intérêt bien compris d'aider les autres et de changer le monde, car on vivra alors dans une société bien plus agréable, paisible, sereine.
      Si c'est compréhensible, alors c'est parfait ^^

      Tu as totalement raison, je n'ai pas prouvé cette phrase, et le mot "désir" nécessite une définition. Il faut, pour avoir une vague idée de la preuve, aller voir mon cher ami Spinoza : Le Conatus est : "l'effort à se préserver dans son être". Le Conatus de l'être humain, c'est le Désir, selon Spinoza. Après, c'est un peu flou pour moi, mais basiquement, nous agissons toujours parce que nous devons nous préserver dans notre être, c'est-à-dire selon notre désir.

      Pas pourri : pertinent. En pratique, c'est effectivement la même chose. Mais je me souviens d'avoir connu des exemples où l'illusion des causes finales est un danger. Par exemple, illusion du but + anthropomorphisme = "Tout dans l'univers est fait en vue d'un but !". Si on fait : connaissance des causes efficientes + anthropomorphisme, ça donne : "Tout d'en l'univers est soumis à des causes !". Ce qui, en fait, est ce qui est observé.

      Ne t'excuse pas ^^

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    2. D'autre part, exprimer les choses en termes de causes et non de buts permet d'éclairer plus complètement nos actes. Un but, dans notre idée, n'a pas forcément de cause, il sort de l'esprit humain comme par magie. Une cause, elle, permet de comprendre le comportement humain sous un jour scientifique, et surtout : une cause est souvent, aussi, une conséquence, et donc, en comprenant la cause de la cause, on apprend beaucoup de choses sur l'humain.

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