mercredi 18 décembre 2013

Le Jugement

Le jugement a une place équivoque dans la société actuelle et, en fait, dans l'entièreté de la société humaine de tout temps et de tout lieu. Car si le jugement peut détruire quelqu'un, car il se sentira dévalorisé par un jugement négatif, le jugement est aussi ce qui nous construit, puisque Sartre nous dit que c'est par l'avis des autres sur nous-mêmes que l'on peut se connaître soi-même en tant que quelque chose, et que c'est donc ainsi que notre pensée, et, au final, notre conscience de soi se forme.

Le jugement est donc autant construction que destruction.

Sartre dirait que si le jugement est destruction (je fais court), c'est qu'il y a honte, et s'il y a honte, c'est qu'il y a reconnaissance du regard mauvais de l'autre comme étant vrai, et seule la reconnaissance de cette vérité peut nous atteindre aussi profondément.

Je diverge (pour une fois) de l'avis de Sartre. Un jugement négatif, même faux, peut nous atteindre en profondeur, car c'est alors que l'on accorde de l'importance à l'autrui qui juge, qui émet son avis négatif sur notre être. Or il y a donc conflit intérieur. D'un côté, on n'est pas ce qu'autrui croit qu'on est, et l'on est tenté de rejeter cette fausse pensée. Mais de l'autre, on ne peut rejeter ce jugement, car c'est celui d'un autrui que l'on estime, et alors peut-être dit-il vrai. Il y a donc un second conflit, entre ce que l'on sait être (et parfois, ce qu'il nous plaît d'être), et comment autrui nous voit, de manière erronée, et si tant est que l'on accorde à peu près autant d'importance à l'avis d'autrui qu'au sien, il est impossible, d'un point de vue subjectif, de trancher entre l'un et l'autre. La souffrance est donc double : celle du choix impossible - ou du choix fait, mais de l'autre laissé de côté peut-être à tort - et celle du jugement erroné d'une personne qu'on estime, et dont on aurait cru qu'elle ne penserait jamais de chose erronée de nous.

Pour cette raison, le jugement est donc bien autant construction que destruction, et peut être totalement indépendant de notre volonté, comme je viens de le montrer (il aurait aussi fallu le montrer dans le cas de la construction, mais cela semble évident, et nous allons négliger ici le risque d'erreur). Donc, le jugement est équivoque, et il faut trouver une solution pour être construit sans être détruit.

Voilà ma proposition, que je crois devoir être appliquée dans notre société actuelle :
Le jugement, quel qu'il soit (positif ou négatif, ou même neutre, cela n'importe pas, il y a là trop de subjectivité) doit être énoncé avec le maximum de pincettes possible, c'est à dire, de manière hypothétique et bilatérale. J'entends par là que l'on doit souligner le fait que l'on n'est pas sûr de ce que l'on avance (car on ne peut connaître autrui avec certitude - on ne peut que savoir qu'il existe) et demander impérativement une réponse (quand cela est possible) afin d'engager un dialogue et d'ainsi mettre fin à une conséquence potentiellement destructrice du jugement, qui est celle de son immuabilité dans l'erreur. Ce qui est infiniment blessant et doit être évité.

4 commentaires:

  1. Juste deux petite remarques : jugement négatif =/= jugement erroné ; personne n'est parfait. De plus, on n'est pas en sucre, en dehors des choses vraiment très vexante, on n'en fait généralement pas un plat quand on reçoit un quelconque jugement (même si ça dépend des gens, mais quand on parle à un sensible, on évite).
    Sinon, j'aime bien ton article dans l'ensemble. :)

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  2. J'ai peut-être fait un amalgame, oui, entre jugement négatif et erroné, mais un tel jugement est très blessant. Et même, un jugement négatif peut être mal pris. Je sais bien qu'on n'est pas en sucre, je dis simplement qu'il y a un autre moyen de s'exprimer que le jugement. L'expression de son avis avec toutes les réserves que ça suppose, par exemple ^^ Et là, un avis négatif peut être constructif.
    Sinon, merci =)

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    1. Le principe de donner ton avis c'est justement de juger quelque chose.^^ La seule différence, c'est que dans le cas d'un avis, on accepte qu'on puisse penser autrement et que ça n'implique que soi...

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    2. C'est bien ce que je dis. Des pincettes. Il faut un avis avec des pincettes si l'on ne veut blesser personne.

      (Et là je me rends compte que... Je juge. Et voilà, bonjour, je suis un hypocrite)

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